Il nous a semblé judicieux de faire le point sur un sujet tenant à cœur aux Français. Nous espérons, à travers ces lignes, vous apporter une information objective.

Pendant la période post-covid, les économies, depuis leurs réouvertures, n’ont pas su pallier le choc d’offre causé par l’arrêt de la production. La raréfaction des biens, couplée à l’impression monétaire et au conflit russo-ukrainien, nous ont menés au contexte inflationniste que nous connaissons. En réponse, les banques centrales ont progressivement augmenté leurs taux directeurs. Nous avons connu plusieurs années avec un coût du capital faible, cette période est maintenant révolue. L’augmentation de la charge d’intérêts, a rebattu les cartes du financement des actifs.
Le taux dit « sans risque » est celui des OAT (obligations émises par l’état français) à 10 ans. En France, il est passé de -0,026 % fin août 2021 à 3,22 % mi-septembre 2023. L’augmentation des taux directeurs fait croître la rémunération des placements « sans risque », ainsi le rendement global des autres placements doit mécaniquement augmenter.
Le rendement de chaque placement, est la somme du taux sans risque et d’une prime de risque demandée par le marché. L’investissement dans l’immobilier comporte évidemment des risques. Pour que les investisseurs consentent à prendre ces risques, la rémunération qu’ils cherchent à percevoir en échange doit être attractive et supérieure à un placement sans risque. Ensuite, entre un appartement en banlieue d’Angers et un appartement en plein centre de Paris, offrant potentiellement le même rendement, les investisseurs choisiraient probablement le bien parisien, car il semble moins risqué pour le même rendement. Par conséquent, la rentabilité de l’appartement d’Angers doit être supérieure, pour être attractive. La valeur d’un actif immobilier de rendement est donc liée aux taux d’intérêt et à l’emplacement (et quelques autres qualités).
Le marché de l’immobilier ne constitue pas un bloc monolithique. Il est sous-segmenté en une infinité de marchés ayant chacun leurs spécificités. Ce faisant, certains semblent plus impactés que d’autres. La baisse n’est donc pas généralisée.
Mais observons ce qu’il se passe à l’étranger. Du côté des Etats-Unis, les taux avoisinent les 7 %, soit le niveau le plus élevé depuis vingt ans. Toutefois, le marché s’est adapté, le stock de logements résidentiels à céder est faible, les ménages rechignant à vendre. Les prix restent stables, voire augmentent légèrement, malgré la chute du volume des ventes. Par ailleurs, l’immobilier professionnel ne suit pas la même trajectoire et des décotes parfois lourdes s’appliquent sur les cessions de bureaux et de locaux d’activité.
Certains pays comme l’Italie ou l’Espagne, subissent des corrections plus lentes, car ces pays, ayant beaucoup souffert de la crise de 2008, ont des prix de l’immobilier moins élevés.
Le cas de la Chine est différent. Une crise s’y est déclarée plus tôt par des mesures de limitation de l’endettement des promoteurs, entrainant une vague de faillite.
Sur notre territoire, les logements dits anciens (plus de 5 ans) voient leur prix baisser dans beaucoup d’endroits. Selon Meilleurs Agents, sur un an glissant, ils baissent de 8,1 % à Lyon et de 8,6 % à Bordeaux. Néanmoins, l’immobilier de Nice a augmenté de 7,9 % et celui de Marseille de 2,2 %. À Paris, le prix moyen du mètre carré est passé sous la barre symbolique des 10 000 €. Pour autant, certains arrondissements affichent quelques légères hausses.
Les réservations de logements neufs ont baissé de 40 % entre le deuxième trimestre 2022 et 2023. Les particuliers ont fait face à un renchérissement de leurs financements et à des prix augmentant à cause du coût des matériaux de construction. Ainsi, en mai 2023, on comptabilisait une hausse sur le territoire de 6,6 % des prix dans le neuf, sur un an glissant. Cependant la situation augure une crise majeure sur ce segment.
De son côté, l’immobilier géré par un professionnel exploitant, tel que les résidences de services, connaît un réajustement des prix. Ce segment, fonctionne en quelque sorte comme une obligation.
Les investisseurs achètent avant tout un rendement. Avec la hausse des taux, le marché demande un rendement plus élevé qu’auparavant. Les biens à céder peuvent voir leur prix ajusté à la baisse pour s’adapter aux conditions de marché, ce qui mécaniquement augmente la rentabilité. Des opportunités émergent de cette situation, et profiteront aux nouveaux entrants.
Les foncières cotées, ont chuté fortement à l’annonce des premières hausses de taux. La cotation sur le marché boursier et la sensibilité des investisseurs aux cash-flows futurs, en font des actifs, à sous-jacent immobilier, plus volatils que les autres. Toutefois, elles ont récemment enregistré un rebond de 8,9 %. Le potentiel environnement de stagflation modérée semble favorable à l’immobilier, du fait de l’indexation généralisée des loyers à l’inflation.
Les SCPI ont également fait parler d’elles. L’Autorité des Marchés Financiers (AMF), a demandé de procéder à une évaluation des portefeuilles au 30 juin 2023, alors même qu’elle ne s’effectue habituellement qu’une fois par an, au 31 décembre. Cette directive cherche à prendre en compte l’état actuel du parc immobilier, détenu par ces véhicules, et donc de la valeur des parts.
En effet, sans cette analyse à mi-année, comment connaître le prix réel des parts de SCPI après la période de forte hausse des taux ? La règle de principe est simple, l’AMF autorise les sociétés de gestion à appliquer un prix de souscription dont la valeur oscille à plus ou moins 10 % par rapport à la valeur de reconstitution. Si le prix de souscription est supérieur à la valeur de reconstitution par part, celui-ci est surcoté. A l’inverse, le prix de part est dit sous-coté.
La valeur de reconstitution est donc un indicateur déterminant.
Cette valeur de reconstitution en SCPI correspond à la valeur de réalisation (valeur vénale des immeubles + actifs nets) à laquelle s’ajoute l’ensemble des frais et droits nécessaires pour reconstituer le patrimoine immobilier (droits payés pour l’acquisition des immeubles, etc.).
Encore une fois, les secousses sont très disparates. Les fonds spécialisés dans l’immobilier de bureau, à Paris et en Ile-de-France, dont les taux de distributions sont inférieurs à la moyenne du marché et avec des taux de vacances plus élevés, sont les plus touchés. L’essor du télétravail, bien que beaucoup d’entreprises font machine arrière après des pertes de productivité, y joue également un rôle important.
Certaines des plus grosses sociétés de gestion, ont baissé d’entre 8 % à 17 % le prix de parts de leurs SCPI. A contrario, d’autres ont pu conserver les mêmes prix de souscription.
Des gestionnaires, par souci de prévoyance, avaient initialement pratiqué des prix de souscription décotés par rapport à la valeur de reconstitution. Ainsi, la marge de sécurité de leurs SCPI étant importante, elles n’ont pas eu besoin de modifier leur prix de part du fait d’une valeur de reconstitution restée dans la fourchette de plus ou moins 10 %.
Les fonds diversifiés, ne vivent pas de la même manière l’environnement de taux. C’est le cas de fonds spécialisés dans les locaux d’activités, le secteur de logistique ou la santé, dont la valeur de reconstitution reste stable.
Les sociétés civiles en unités de compte présentent dans les contrats d’assurance-vie, font partie également du paysage des produits immobiliers. Elles sont investies en direct dans des actifs immobiliers, ou détiennent des parts dans des SCPI et des OPCI. Pour différentes raisons, certaines ont subi des décotes, pouvant aller jusqu’à 10 %. À la suite des premières baisses durant l’été, sur les SCPI, un mouvement de rachat s’est mis en place et la décollecte a été importante sur certains fonds. Pour assurer ces demandes de retraits exceptionnelles, les liquidités initialement prévues ne suffisent pas. Il leur a donc fallu procéder à des cessions en arbitrant une partie du portefeuille. La période n’étant pas propice, des actifs ont été vendus avec une décote ce qui a impacté la valorisation de ces unités de compte immobilière.
Ce contexte de taux nous semble exceptionnel. Bien que les taux négatifs voire proches de zéro n’ont plus vocation à être la norme, une baisse au cours des 12 à 18 prochains mois est possible. Celle-ci serait conditionnée, comme exprimé par la Banque centrale européenne, à un retour de l’inflation sur des niveaux plus acceptables. Le chiffre stratégique des 2 % est souvent cité. Pour autant, l’inflation rognant la dette parfois lourde des Etats, les banques centrales pourraient se montrer plus indulgentes et élever légèrement ce seuil. Plusieurs facteurs, tels que la hausse de l’énergie ou la transition énergétique, prêtent à penser que l’inflation pourrait être couramment plus élevée que durant la décennie passée.
Le marché de l’immobilier, malgré tout, conserve de l’attractivité. Certains acteurs parlent déjà d’opportunités de « repricing », une fois les taux à des niveaux plus appréciables. Les fonds récemment créés et en période de collecte vont pouvoir acquérir des actifs à bon prix. Par ailleurs, les secousses récentes opèrent une sélection naturelle des différents produits et amènent l’investisseur à être plus regardant sur les caractéristiques de chaque placement.